Espace Art Gallery

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ALFONSO DI MASCIO : D’UNE TRANSPARENCE, l’AUTRE

 Du 05-02 au 23-02-14, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) organise une exposition essentiellement centrée sur l’œuvre de Monsieur ALFONSO DI MASCIO, un sculpteur et dessinateur Italien vivant en Belgique, intitulée AU-DELA DE LA TRANSPARENCE.

La transparence est, selon l’étymologie scientifique, la propriété qu’a un corps de laisser passer les rayons lumineux afin de révéler ce qu’il y a derrière sa structure. Formé du latin « trans » (au-delà) et de « parere » (paraître). A l’analyse du mot, on s’aperçoit qu’il revêt une étymologie fort vaste, laquelle embrasse tant la sphère scientifique que philosophique et politique.

L’Histoire de l’Art s’intéresse également à la transparence mais essentiellement pour mettre en exergue certains aspects techniques essentiellement liés à la peinture, en ce qui concerne la pertinence de tel procédé dans le rendu des couleurs associés à la forme. Il n’est pas fréquent de la voir prise comme sujet d’étude sur lequel bâtir une œuvre. Surtout une œuvre aussi riche que celle de cet artiste à la démarche très intellectualisante, laquelle exige du visiteur qu’il déploie sa palette de réflexion face à l’œuvre qui l’interroge.

Pour ALFONSO DI MASCIO, la transparence est le véhicule servant d’intermédiaire entre ce qu’il voit et ce qu’il y a derrière le miroir. Et ce véhicule faisant office de messager entre l’Homme et l’inconnu, c’est le verre. Le verre mettant en évidence notre première réalité en tant que phénomène sensible. L’artiste utilise le symbole pour donner corps à sa recherche. Le symbole est, par excellence, le pare-brise, lequel est extrapolé de sa fonction première pour servir d’intermédiaire entre un intérieur (celui de la voiture) et l’extérieur, exprimé par une réalité en continuelle métamorphose. De ce fait, le visiteur doit impérativement prendre son temps de réflexion face aux surprises que dévoile cette démarche à la fois artistique et philosophique. Mais une fois le seuil franchi, la découverte est fascinante !

La première constatation est que le verre est un corps. Un corps avec une peau.

La matière usitée est le verre feuilleté à l’intérieur duquel se trouve une membrane (la peau) insoupçonnée. Ce derme est l’expression de la réalité que la transparence rend évidente.

Si généralement l’aspect technique est révélé à la fin, dans la démarche d’ALFONSO DI MASCIO, il ne peut qu’être au centre de la recherche car il explique toute sa philosophie. L’artiste exploite les deux surfaces du verre (le côté recto et le côté verso) en les traitant au marteau et au burin pour enlever la matière qu’il qualifie d’ « indésirable » parce qu’elle le sépare de la peau, intermédiaire vers la réalité. Une fois la membrane atteinte, il la travaille en son centre, jusqu’à la faire sortir de son cadre, en la transformant en une fine pellicule blanche. Une sorte de pâte laiteuse (VERRE + GALET).

Un aspect que nous avons cité plus haut, à propos de l’artiste, doit être absolument souligné, à savoir son immense talent de dessinateur.

L’on peut dire que son talent de dessinateur est une conséquence de son être sculpteur. Il suffit d’observer la position du dos féminin ainsi que l’échancrure profonde assumée vers le bas par l’écartement des jambes que rappelle le demi-cercle abritant la pièce oblongue qui termine VERRE + GALET. De même les nervures « badigeonnant » le verre que l’on retrouve, réalisées au fusain, sur le dos du personnage féminin, mettant en relief la nervosité du trait dans un contraste d’ombres/lumière.

Les PENDUS constituent une réflexion sur le tout dans le tout.

Fin connaisseur de l’Histoire de l’Art, l’artiste s’inspire du peintre et théoricien de l’Art Italien du 16 siècle Giorgio Vasari. Cette œuvre, conçue par trois pare-brises enroulés à la main, met en exergue la peau des suppliciés s’échappant de l’encadrement noir, enserrée dans la peau du verre de laquelle elle est issue. Enroulée à mains nues, la peau maintient le verre et permet son pliage. Dans cette œuvre, la transparence est, de fait, le maître mot régissant la composition. Tout fuse à travers le verre. Lumière et couleur naissent au jour. A ce stade, une question doit nous interpeller : quel est l’élément chromatique à prendre en considération ? S’agit-il d’un chromatisme essentiellement centré sur le noir ou bien est-ce la brillance du verre enroulé sur lui-même, exposé sur un support de bois également de couleur noire qui doit retenir le regard du visiteur ?

Tout est à prendre au premier degré car, une fois encore, tout est dans le tout : la transparence donne vie à la matière profonde du verre, tout en révélant au regard la brillance du noir.

Les dessins réalisés par l’artiste sont de conception baroque. Le jeu des contrastes, la peau plissée, les postures torsadées sont (toutes proportions gardées) proches de celles d’un Michel-Ange. Cet engouement pour la forme torsadée se retrouve, notamment dans ROUGE + NŒUD + BARRE.

Dans cette œuvre, la membrane (la peau expulsée du verre) trouve précisément cette dimension baroque dans ce côté torturé que présentent les sculptures de cette époque, elles-mêmes héritières de la sculpture antique, particulièrement dans la réalisation des plis des vêtements. Dans cette pièce, la présence de verre réduit en fines brisures à l’intérieur de la peau, évoque la pluie, donnant à la matière un côté lisse et mouillé.

Ce qui saute immédiatement aux yeux du visiteur c’est l’absence de visage sur les dessins de l’artiste représentant des torses. En effet, ce dernier prive les corps d’identité, les cantonnant à de simples réceptacles dynamiques, destinés à être engendrés par le tracé du fusain.

DESSIN 10

représente une coupe de membrane. Remarquons le traitement de la matière. La consistance de la chair, l’élasticité des tissus puissants comme des muscles en extension. Le trait au service de la matière règne en maître.

Ce qui prouve que les dessins d’ALFONSO DI MASCIO ne sont pas simplement l’œuvre d’un dessinateur mais bien celle d’un sculpteur qui dessine.

Formé à l’Académie de Watermael-Boisfort par le Professeur Gérald Dederen, il a une formation de dessinateur en architecture, ce qui l’a conduit au dessin technique, pour se tourner par la suite vers le dessin artistique avec bonheur.

Un dénominateur commun lie sa production au fusain avec celle sur verre, à savoir qu’à l’instar des dessins, ses sculptures peuvent être accrochées au mur. Ce qui signifie qu’en dernière analyse, la ligne de démarcation intellectuelle entre l’image sur papier et celle sculptée demeure extrêmement floue, pour ne pas dire inexistante, puisque l’une complète l’autre.

 

La transparence, l’artiste veut la dépasser pour atteindre une métaréalité. Le visiteur qui la reçoit est conduit au-delà de lui-même, au travers de sa transparence propre, par le biais de la nature physique inchangée du matériau usité par l’artiste, lequel, même torsadé, martyrisé, réduit en brisures scintillantes, n’en demeure pas moins…du verre.

François L. Speranza.

 

 

Une publication
Arts
 

Lettres

 Alfonso Di Mascio et François Speranza: interview et prise de notes sur son déjà réputé carnet de notes Moleskine dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles (5 février 2014).

N.-B.: 

Ce billet est publié à l’initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d’Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu’avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.